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Une visite insolite

2 février 2017

La rencontre d’une, d’un bénéficiaire de la CMCAS de La Rochelle est pour le visiteur bénévole du réseau solidaire, chaque fois gage d’une belle aventure humaine emprunt d’émotion, de chaleur et de partage. J’ai fait 70 Kms pour rejoindre le domicile de Madame LESPAGNOL, situé à quelques encablures du phare de Chassiron, à l’extrême pointe de l’ile d’Oléron.

Madame LESPAGNOL est née il y aura bientôt 93 années. Son père Italien, Pasqual GARIGLIO, maçon depuis l’âge de 10 ans et venu en France après la guerre 1914 – 1918, pour fuir la montée du fascisme dans « la botte » accrochée aux flancs de l’Europe, baignée par la méditerranée. Un réfugié, émigré dans les Ardennes, à Sedan pour reconstruire la ville détruite par la guerre. C’est dans un bal du samedi soir qu’il fait la connaissance d’une méfiante ardennaise à l’égard des Italiens, Emma QUEUDIERE. La suite, Jeanine LESPAGNOL l’a consigné dans un livre de mémoire.

A vrai dire, ce n’est pas un livre dont on tourne machinalement les quelques 425 pages, non, ce serait plutôt des jours, des mois, des années que l’on effeuille passionnément, tel la marguerite, à la découverte d’une vie ouverte sur le monde, sur les autres, sur l’Être humain proche de la nature. Sans cesse à la recherche de l’harmonie, pour que souffle enfin sur ce monde, sur notre société le vent de la sagesse, du respect et de la paix.

Jeanine LESPAGNOL nous fait partager des moments d’insouciance, de bonheur vécus proche de ses parents, sa famille entre France et Italie : « C’est dans cet environnement que j’ai grandi, dans une famille pas très fortunée, mais ô combien conviviale. Chez nous on accueillait tout le monde, c’était la maison du Bon Dieu disait ma mère. Élevée entre deux cultures, italienne et française, je ne comprenais pas à l’époque la chance que nous avions mon frère et moi. »

Elle nous fait vivre une époque plus sombre de sa vie après l’année 1936. Le front populaire, la lutte ouvrière et la conquête des « 40 heures », « la semaine des deux dimanches », les congés payés ont mis le feu aux poudres, le second conflit guerrier mondiale était imparable, « la montée du fascisme en Italie, en Allemagne, en Espagne avec Franco, les croix de feu en France semaient le trouble. C’était trop, les marchands de canons voulaient garder leurs privilèges ; le capitalisme a besoin pour subsister pour s’en nourrir de la guerre tous les 20 ou 30 ans. Après la douce harmonie, le cauchemar, la guerre et l’occupation allemande avec tout ce que cela comportait. »

Malgré tout il fallait continuer de vivre, pour l’avenir, pour retrouver l’harmonie. Jeanine GARIGLIO rencontre son futur mari et devient Madame LESPAGNOL le 3 avril 1943 à la mairie d’Argenteuil occupée par les Allemands. Robert était employé à Gaz de France, ajusteur aux ateliers mécaniques, « il a terminé contremaitre, mais sans commandement » s’amuse Jeanine. La troisième génération à faire carrière à l’usine à gaz de St Denis. Le grand père tout d’abord, menuisier charron à l’atelier de menuiserie, il fabriquait des charrettes que les chevaux tirées. Le père de Robert était également employé aux ateliers mécaniques et comme son fils il termina contremaitre.

« Tout à coup, l’enfant apparu en poussant un cri. J’avais mis au monde un beau petit garçon. Mon bébé était né, on était le 31 août 1943. Nous l’avons appelé Daniel. Pendant mon accouchement, les sirènes avaient sonné l’alerte pour regagner les abris : les avions anglais venaient de bombarder l’usine d’aviation à la limite d’Argenteuil, à Bezons, qui ne se trouvait pas loin de la clinique. Et pourtant je n’avais rien entendu. »

« Paris, Paris, Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France … », « Le chant des partisans était dans l’air… » L’armistice signée, la paix revenait enfin.

La vie reprenait son cours normal, même si les privations perduraient, le manque de logement inquiétait. « Robert était toujours au Gaz de France, maintenant nationalisé….Nous avons bénéficié d’avantages sociaux très importants, la paie était plus importante, alors il s’est acheté un Solex pour le transport, il se tapait 20 Kms matin et soir. »

Petit à petit la vie s’améliorait, dans un climat plus sain, dans un nouveau logement, l’envie de donner une petite sœur à Daniel devenait alors naturelle et puissante. En effet, le 7 juillet 1948 sans plus aucun risque de bombardement, Annie est venue au monde.

Les jours se suivaient avec tous les aléas du temps, mais revenez le goût de la découverte, des vacances en famille. Dans les camps de vacances du CCOS, devenu la CCAS en 1960, « dans les villages de vacances de l’EDF / GDF nous avons découvert la France. Au début c’était des tentes américaines de récupération, qui se sont améliorées par la suite, d’année en année. Ainsi les demandes des familles EDF / GDF, à la découverte de notre beau pays et cette envie n’était pas prête de nous lâcher, nous l’avons fait durer jusqu’en 2005. »

Les enfants grandissent, ils se marient à leur tour, la naissance des petits enfants fait gonfler l’harmonie dans la famille, les boulots se succèdent, la vie continue tranquillement avec ses larges moments de bonheur. Puis vient le moment de la retraite et l’installation dans l’Ile d’Oléron, « nous avions tous attrapé « l’oléronite aiguë : nous aimions Oléron… » Mais la bataille pour « des jours heureux » continuait, « une vie militante jalonnée d’activités d débordantes, très impliquée dans l’action sociale et politique axée sur le bénévolat en Oléron pendant une trentaine d’année. »

Malheureusement cette vie peut être également très cruelle, impitoyable, les épreuves écrasantes, les chocs extrêmes, insurmontables, « …l’harmonie tant espérée s’est rompue, c’est horrible pour la famille et moi-même, après avoir subi les aléas de la vie, il est difficile de repartir du bon pied… » Mais c’est sans compter sur une famille parfaitement unie, des amis très chers et sincères, « cette solidarité c’est notre richesse à nous les misérables gens que nous sommes… ». « La solidarité ne doit pas être un mot creux » insiste Madame LESPAGNOL. Le mot de la fin ? Certainement pas, « la vie est belle, il faut savoir la prendre, même dans les moments les plus graves de notre vie, nous avons toujours un petit rayon de soleil, à nous de le percevoir. » Sans oublier : pour que souffle l’harmonie, Madame LESPAGNOL.

« Quand souffle l’harmonie » un récit rétrospectif de Jeanine LESPAGNOL, écrit entre sa 80 et 90ième année, en hommage à tous ceux qui ont façonné sa vie.

Gérard FEMOLANT

Visiteur du réseau solidaire

Charente Maritime

 

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Date :
2 février 2017
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